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22 octobre 2007 1 22 /10 /octobre /2007 22:00

définition:

Le kireji (切れ字) est un mot de coupure, césure (littéralement coupure [切れ] dans l'écriture/les caractères[]) très présent dans le haïku. Il permet ainsi d'introduire une pause, une respiration dans le texte, appelée "ma" en japonais. Il peut aussi être utilisé pour
faire un compte juste avec la métrique.

Dans l'espace limité que constitue cette forme d'expression, la respiration qu'induit le kireji apporte une "coloration" unique au haïku: elle introduit un "temps long dans un court métrage".

Ainsi, ces kireji qui ont une certaine importance dans le haïku, ne semblent pas toujours bien passer dans la traduction. Leur sens est souvent ambivalent et impose au traducteur un choix.

Je me demande si cela n'aurait pas pour conséquence de contribuer à une certaine déformation dans la compréhension du haïku : l'haïkaiste en herbe qui cherchera à en apprendre les base, sans connaître le japonais, se tournera exclusivement vers les traductions (certaines étant plus heureuses que d'autres). Or ces versions ne rendent pas complètement le sens des kireji...

Selon les auteurs, les kireji mentionnés varient (même s'ils n'ont apparemment pas dressé de liste exhaustive):
- kana, ya, keri (dans l'article de Ryokan du blog de Nekojita);
- ya, zo (pour Maurice Coyaud [1]. Il semble traiter kana à part);
- kana, ya, keri pour les kireji "simples" et wori, tari, nari pour des kireji "complexes" (pour Kaneko Tôta [5]).

a) particule YA()

La valeur  de cette particule se situe à la limite du doute, de l'interrogation, souvent avec une nuance émotive.

On trouve généralement cette particule en fin de premier vers.

Exemple 1, tiré d'un waka mais applicable au haïku:

"asagiri ni nurenishi koromo hosazu shite
hitori ya kimi ga yama-dji koyuran"

Sans mettre à sécher votre vêtement mouillé par le brouillard du matin
franchissez vous seul la montagne"

Dans ce waka du man yô shû, Jacqueline Pigeot en traduit la valeur interrogative [2]


Exemple 2:
Furuikeya/kawazu tobikomu/mizu no oto
古池や蛙飛こむ水のをと(“Vénérable étang ! Les rainettes plongent, Ô le bruit de l’eau…” [3].

Ce poème de Bashou est sans doute le haïku le plus connu. Sous son apparente trivialité il a fait l'objet de plusieurs traductions. La version de Mabesoone insiste sur cette nuance émotive avec un point d'exclamation.


b) particule ZO (ぞ)

Particule de renforcement pour Jacqueline Pigeot. Elle ne semble pas différent du japonais moderne pour son utilisation. Il est plus rare de trouver cette particule que ya

Exemple:

小言いふ

相手は壁ぞ

秋の暮れ

kogoto iu

aite wa kabe zo

aki no kure
Lorsque je rouspète

C'est au mur que je m'adresse

Crépuscule d'automne [4]

c) auxiliaire -keri (~けり)

 

"keri", mot du japonais ancien, est un auxiliaire qui se suffixe à une base (adjectif, verbe...).

Etant sans doute le plus difficile à cerner, nous ne rentrerons pas dans les détails de sa conjugaison, et admettrons pour simplifier les choses qu'il se trouve dans un haïku sous la forme suivante:

[base (masu kei pour les verbes, i kei pour les adj i, etc...) ] + keri

ex: samukeri; sumikeri

Selon Jacqueline Pigeot [2], keri possède deux valeurs principales:

1- la découverte subite d'une réalité existante, qui était déjà là dans le passé, mais dont on prend soudain conscience. Une nuance émotive (eitan) s'y attache. [valeur la plus fréquente en poésie].

En exemple, invoquons un poème de Ryokan trouvé sur le site de nekojita:

世の中は

さくらの花に

なりけり

yo no naka wa

sakura no hana

ni nari keri

Tout autour de nous

Le monde n’est plus que

Fleurs de cerisier


2- le passé (kakou).

[...]

Keri semble plus fréquent dans les haïku en dernier vers (et parfois en 2e).

d) KANA [
かな(哉)]: un kireji?

On trouve kana en fin de vers, c'est une "particule finale" (shûjoshi) qui s'ajoute à un substantif (ou à la forme rentaikei d'un mot variable: voir livre sur bungo).
Cette particule est composée de ka (particule marquant l'interrogation) et de na (particule marquant l'exclamation).

En japonais moderne, "kana" signifie une demande introspective: "je me demande si...". Par exemple oishii kana:  "je me demande si c'est bon"/"est-ce que c'est bon".

En japonais classique, Jacqueline Pigeot, lui donne une valeur exclamative (eitan) rendue par "!" ou "ah!" dans la traduction de waka de l'époque de Heian (du 8e au 12e siècle). Elle lui substituerait en japonais moderne la particule "yo".

De fait, les traducteurs de haïku semblent soit  "ignorer" le plus souvent cette particule, soit adjoindre au vers un point d'exclamation ou un mot tel que ah! oh! Il me semble que ces hésitations pourraient provenir du double sens que possède kana: question introspective et exclamation.

Un exemple, parmi d'autre:


さく花の

中にうごめく

衆生かな

saku hana no

naka ni ugomeku

shojoukana

Fleurs de cerisier-

Autour d'elles se traîne

le genre humain! [4]


MAJ/update: 25/10/2007; 29/05/2008

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(1) Maurice Coyaud [Tanka, haiku, renga - le triangle magique aux Ed. les Belles Lettres]
(2) jaqueline Pigeot [
Manuel de japonais classique : Intiation au bungo]
(3) Traduction Laurent Mabesoone (site de la HIA: http://www.haiku-hia.com/pdf/issa_f.pdf)
(4) Traduction de Joan Titus-Carmel
(5) Haiku nyûmon
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Published by Christian - dans Théorie haïku