Kenji Miyazawa (1896-1933), poète et auteur de littérature pour enfants fut un homme ouvert sur son temps et curieux de tout, notamment de l'espéranto. Son oeuvre ne rencontrera la reconnaissance du public qu'après sa disparition (1). En France, il est principalement connu pour ses romans (dont le "Train de nuit dans la voie lactée").
Il m'apparaissait dommage de ne pas vous présenter son poème le plus connu "Ame ni mo makezu" (lequel ne bénéficie pas de traduction francophone, même sur wikipédia à l'heure actuelle ) avec une traduction personnelle.
De fait la traduction en poésie peut emprunter de nombreux chemins - il n'existe ainsi pas une seule version possible d'un texte Dans le cas de poésie libre japonaise du début du vingtième siècle (années 20-30), il n'est pas certain que les auteurs utilisaient la notion d'espace comme en occident (saut de ligne, strophes...) et jouaient avec. Le texte japonais forme un corps. Les pauses (ou espaces) sont implicites et à contenues à l'intérieur de l'oeuvre.
Kenji Miyazawa utilisait des termes modernes pour l'époque, jouait avec les caractères par l'utilisation intégrale de katakanas dans le poème moderne semble-t-il (les kanjis auraient été introduits ensuite pour faciliter la lecture du texte).
La version japonaise et sa transcription sont tirées de aozora et wikipédia en anglais.
雨ニモマケズ 風ニモマケズ 雪ニモ夏ノ暑サニモマケヌ 丈夫ナカラダヲモチ 慾ハナク 決シテ瞋ラズ イツモシヅカニワラッテヰル 一日ニ玄米四合ト 味噌ト少シノ野菜ヲタベ アラユルコトヲ ジブンヲカンジョウニ入レズニ ヨクミキキシワカリ ソシテワスレズ 野原ノ松ノ林ノ蔭ノ 小サナ萓ブキノ小屋ニヰテ 東ニ病気ノコドモアレバ 行ッテ看病シテヤリ 西ニツカレタ母アレバ 行ッテソノ稲ノ朿ヲ負ヒ 南ニ死ニサウナ人アレバ 行ッテコハガラナクテモイヽトイヒ 北ニケンクヮヤソショウガアレバ ツマラナイカラヤメロトイヒ ヒドリノトキハナミダヲナガシ サムサノナツハオロオロアルキ ミンナニデクノボートヨバレ ホメラレモセズ クニモサレズ サウイフモノニ ワタシハナリタイ | ame ni mo makezu kaze ni mo makezu yuki ni mo natsu no atsusa ni mo makenu jōbu na karada wo mochi yoku wa naku kesshite ikarazu itsu mo shizuka ni waratte iru ichi nichi ni genmai yon gō to miso to sukoshi no yasai wo tabe arayuru koto wo jibun wo kanjō ni irezu ni yoku mikiki shi wakari soshite wasurezu nohara no matsu no hayashi no kage no chiisa na kayabuki no koya ni ite higashi ni byōki no kodomo areba itte kanbyō shite yari nishi ni tsukareta haha areba itte sono ine no taba wo oi minami ni shinisō na hito areba itte kowagaranakute mo ii to ii kita ni kenka ya soshō ga areba tsumaranai kara yamero to ii hideri no toki wa namida wo nagashi samusa no natsu wa oro-oro aruki minna ni deku-no-bō to yobare homerare mo sezu ku ni mo sarezu sō iu mono ni watashi wa naritai |
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Ne pas céder face à la pluie
Ne pas céder face au vent
Ne pas céder non plus face à la neige ou à la chaleur de l’été
Avec un corps solide
Sans avidité
Sans perdre son tempérament
Cultivant une joie tranquille
Chaque jour quatre bols de riz complet
Du miso et un peu de légumes à manger
Dans toutes les choses
Sans y mettre ses émotions
Voir, écouter et comprendre
Et sans oublier
Dans l’ombre des bois de pin des champs
Vivre dans une cabane au toit de chaume
S’il y a un enfant malade à l’Est
Y aller et le veiller
S’il y a une mère fatiguée à l’Ouest
Y aller et porter sa gerbe de riz
S’il y a quelqu’un proche de la mort au Sud
Y aller et lui dire qu’il n’y a pas besoin d’être effrayé
S’il y a une dispute ou un litige au Nord
Leur dire de ne pas perdre leur temps en actes inutile
En cas de sécheresse, verser ses larmes de sympathie
Lors d’un été froid, errer bouleversé
Appelé un bon à rien par tout le monde
Sans être complimenté
Ni rendu responsable
Une telle personne
Je voudrais devenir
*****
L'insertion d'écarts de lignes serait déjà une interprétation du poème, mais voici ce que cela peut donner :
Ne pas céder face à la pluie
Ne pas céder face au vent
Ne pas céder non plus face à la neige ou à la chaleur de l’été
Avec un corps solide
Sans avidité
Sans perdre son tempérament
Cultivant une joie tranquille
Chaque jour quatre bols de riz complet
Du miso et un peu de légumes à manger
Dans toutes les choses
Sans y mettre ses émotions
Voir, écouter et comprendre
Et sans oublier
Dans l’ombre des bois de pin des champs
Vivre dans une cabane au toit de chaume
S’il y a un enfant malade à l’Est
Y aller et le veiller
S’il y a une mère fatiguée à l’Ouest
Y aller et porter sa gerbe de riz
S’il y a quelqu’un proche de la mort au Sud
Y aller et lui dire qu’il n’y a pas besoin d’être effrayé
S’il y a une dispute ou un litige au Nord
Leur dire de ne pas perdre leur temps en actes inutile
En cas de sécheresse, verser ses larmes de sympathie
Lors d’un été froid, errer bouleversé
Appelé un bon à rien par tout le monde
Sans être complimenté
Ni rendu responsable
Une telle personne
Je voudrais devenir
D'autres recompositions sont possibles, mais qu'importe, relisons le texte pour s'imprégner de sa poésie...
Quelques liens :
- Shunkin: le site de référence sur la littérature japonaise ;
- les oeuvres de l'auteur disponibles sur aozora en japonais (tombées dans le domaine public);
- un article du blog chichinpuipui sur les fruits du Gingko, un ouvrage de l'auteur.
(1) son oeuvre fut en grande partie publiée à titre posthume. En matière de poésie, seuls deux de ses textes furent ainsi publiés de son vivant. Le présent "ame ni mo makezu" fut retrouvé dans un carnet d'une de ses malles.
Ma/update : 03/08/2010; 17/01/2011