Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 septembre 2009 1 28 /09 /septembre /2009 00:44
A la suite du précédent article sur la traduction des haïkus, reprenons brièvement les postulats en question :

# La présentation de l'ouvrage :
L'édition française se doit de présenter le japonais en caractères d'imprimerie (il faut éviter les écritures calligraphiées peu compréhensibles pour les japonisants), sa transcription en romaji (pour permettre à tous d'en goûter la musique, même si l'on ne pratique pas le japonais) et sa version française.

# La traduction des mots de césure, les kirejis:
A une exception près, les traducteurs considèrent que l'on ne peut faire l'impasse -eu égard à leur valeur émotive - sur la traduction des kirejis.

# Respecter si possible l'ordre inversé des idées du poème:
La structure du syntagme du japonais est inversée par rapport au français. Dans la mesure du possible (si l'expression ne devient pas ampoulée), il est préférable de garder l'ordre original des idées pour en préserver la séquence et la chute du poème.

# Le rythme du poème:
A une exception près, le principe est l'adaptation libre sans se préoccuper du nombre de pieds du poème.

Penchons nous à présent sur les techniques de traduction des kirejis:

 La traduction des kirejis

Les kirejis comportent deux fonctions: introduire une pause et/ou une nuance émotive. Selon le contexte de la composition, l'une de ces fonctions aura une valeur plus importante que l'autre. La traduction reprend dans la mesure du possible cette nuance. Nous n'examinerons ici que les plus courants (ya, kana, keri) au travers de deux ouvrages Issa de Joan Titus Carmel et Bashô - l'étroit chemin du fond d'Alain Walter.

A- YA

Ya se trouve le plus souvent à la fin du premier segment (vers), rarement à la fin du deuxième. Il a une valeur exclamative plus ou moins prononcée selon les haïkus.  Nous nous limiterons à ya en fin de premier segment.

1-  Chez Joan Titus Carmel :

Joan fait varier ses traductions selon la prééminence des valeurs du kireji (pause et exclamation) mais parfois ne le traduit pas.

# Cas 1 - aucune transcription :
Le contexte se suffisant à lui même, le kireji n'est pas traduit (la pause apparaît de façon implicite).

Ex : nodokasa ya kakima o nozoku (...) Une grande paix/son regard perce la haie (...)

# Cas 2 - un tiret "-" :
un tiret "-" est utilisé à la fin du premier segment afin de matérialiser la pause (sans doute plus importante que la nuance émotive).

Ex : nodokasa ya asama no kemuri (...) Un calme parfait - / fumée du mont Asama (...)

# Cas 3 - "Ah!" au début du premier segment :
"Ah!" est utilisé au début du premier segment afin de matérialiser la valeur exclamative (plus importante que la valeur de pause).

Ex : koojika ya (...) Ah! le jeune faon (...)

# Cas 4 - "Ah!" au début et "-" à la fin du premier segment :
Ces deux éléments sont utilisés conjointement afin de matérialiser les deux valeurs en question (valeur de pause et valeur émotive).

Ex: kasumu hi ya (...) Ah! jour de brouillard - (...)

D'autres cas plus rares existent (un point d'exclamation à la fin du haïku).

2- Chez Alain Walter :

Alain Walter matérialise systématiquement la valeur exclamative du kireji en la renforçant si nécessaire avec un point d'exclamation au dernier segment.

# Cas 1 - "Ah!" au début du premier segment
Valeur exclamative.

Ex: samidare ya  (...) Ah! les pluies de la cinquième lune (...)

# Cas 2 - "Ah!" au début et "!" à la fin du premier segment :
Valeur exclamative renforcée par une pause.

Ex : natsu kusa ya  (...) Ah ! herbes d'été ! (...)

# Cas 3 - mots exclamatifs alternatifs "quel" et "!" à la fin du premier segment :
Valeur exclamative et pause. "Quel" peut parfois être plus adéquat que "ah:"

Ex: shihorashiki na ya (...) Quel nom charmant ! (...)

B- KANA

Kana est une particule finale. Elle se place exclusivement à la fin du vers et donne du corps à l'ensemble de la composition. Elle possède une fonction exclamative, moins forte que ya à mon sens.

1- Joan Titus Carmel :

Joan se réserve la possibilité de ne pas traduire kana. Si elle le traduit, trois cas se présentent:

# Cas 1 - "ah!" au début du dernier segment :

Ex : (...) atsusa kana (...) ah! quelle chaleur

# Cas 2 - "!" à la fin du dernier segment :

Ex : (...) neshaka kana (...) Bouddha endormi !

# Cas 3 - "ah!" au début et "!" à la fin du dernier segment :

Ex : (...) kaiko kana (...) ah ! les vers à soie !

Le dernier cas renforce sans doute cette valeur.

2- Alain Walter :

Chez Alain Walter on observe une gradation de la valeur (là encore exprimée systématiquement) :

# cas 1 - "!" à la fin du dernier segment :

Ex : (...) kadode kana (...) Heure du départ !

# cas 2 - "ah!" au début et "!" à la fin du dernier segment :

Ex : (...) yanagi kana (...) Ah ! ces saules !

Il utilise également des mots alternatifs tel que "las!" à la place de "ah!" (shiraga kana -> Las ! Les cheveux blancs...).


C- KERI

Rappelons que keri est un auxiliaire qui se suffixe à un verbe et comporte une valeur passée dont on prend conscience et à laquelle s'attache une nuance émotive. Il se place en fin de dernier segment.

 Si je n'ai pas trouvé d'exemples chez Alain Walter, Joan Titus Carmel le transcrit par le présent ou le passé uniquement quand la nuance émotive se suffit à elle même. Elle rajoute parfois un point d'exclamation à la fin du segment.


Après cette revue en détails de certains kirejis, nous nous intéresserons ensuite à certaines particularités de la traduction des haïkus tel que les inversions et la forme en TE.

Maj/update : 07/10/2009
Partager cet article
Repost0
Published by chris - dans Théorie haïku